lundi 23 juin 2008

Un air de vacances

Alors voilà, c'est de saison...
Le jardin de Myosotis est en vacances : Mademoiselle Bee se détend et essaime un peu partout, Petit Sapin concentre ses efforts sur l'obtention de temps supplémentaires pour jouer à la Wii (dans un autre cadre on appellerait ça du harcèlement), Petit Bouton d'or se tapit au frais dans les coins avec ses petits jeux quand elle n'est pas à la piscine pour achever d'apprendre à nager, et Petit Lierre en prend à son aise avec les changements de rythme, dort à l'heure des repas et se réveille toujours deux fois par nuit...
Myosotis s'en sort, savoure pleinement les joies familiales, respire dans les moments de calme et attend le retour du Grand Chêne après sa première mission de l'été.
Et de temps en temps, un rêve de vacances...

samedi 21 juin 2008

Des gens sans importance

Encore un livre, un petit, mais un vrai bonheur...
C'est une bande dessinée. Le style surprend dès la première page, c'est simple, presque naïf, mais on se laisse vite prendre...Ethel est une femme modeste armée de solides principes, Ernest un homme simple toujours prêt à s'enthousiasmer. Ils se rencontrent, ils se marient et traversent les épreuves de leur vie avec autant d'humilité que de courage. On les suit avec sympathie jusqu'à la fin et soudain, à la dernière page, l'émotion devient immense. Alors on recommence, et on s'étonne de retrouver encore ce serrement de coeur et ce picotement dans les yeux...
C'est que l'histoire de ce couple de gens sans importance prend des dimensions universelles à force de vérité.

mercredi 18 juin 2008

Pimprenelle me tague !

C'est très gentil, et le jeu est tentant : prendre le livre que je lis, page 123, la 5e phrase, les 4 suivantes... Mais préciser encore je lis...
Zut ! Soit je joue le jeu, soit je prends une photo de mon beau fauteuil de maman américanisée et je dis c'est là, c'est là... Mais c'est très vilain et même Kant l'a dit, le mensonge rend toute vie sociale impossible. Alors soyons honnête.
Mon livre du moment, enfin, un de mes livres, c'est


A la page 123, 5e phrase, on peut lire :

Nous ne nous sommes pas mal débrouillés chacun de notre côté."
"Mais dites, Marguerite, Clément ne serait-il pas votre frère ? " "Non, Walter, les dates sont contre." Ainsi, nous-mêmes ou des amis très proches, nous nous efforçons aujourd'hui de donner un sens à ce qui n'en a pas, d'expliquer, s'il se peut, ce lien très mince et pourtant magique entre deux êtres qui n'ont fait que se frôler au commencement de la vie.

Jusqu'ici ça va. Mais pour mon lieu de lecture... Elle va en prendre un coup, "la poésie de Myosotis" dont parle Pimprenelle ! Le problème, c'est que les récents bouleversements de mon emploi du temps (Petit Lierre) ont considérablement réduit mon temps de lecture. Cette activité vitale doit pourtant se poursuivre, alors la solution... C'est de lire aux toilettes... A raison d'un tout petit peu, plusieurs fois par jour...
Par chance, notre maison est dotée de trois bathrooms, ce qui offre quand même le choix ! Au sous-sol, la Promesse, du Cardinal Jean-Marie Lustiger. A l'étage, d'un côté Yourcenar, en passe d'être remplacée par un Franciscain chez les SS, de Géréon Goldmann, de l'autre Come be my light, lettres et confidences de Mère Térésa. (C'est vrai, pour le jeu, j'ai choisi le plus littéraire...)
Voilà, tout est dit... Dès que possible, le beau fauteuil reprendra du service et je goûterai de nouveau la vraie vie ailleurs que sur un trône...

mardi 17 juin 2008

Le Labyrinthe du monde

... Le troupeau en passant a brisé la jacinthe ;
Elle fleurit encore contre le sol couchée...

Ces vers de Sappho de Lesbos sont traduits par Yourcenar dans la Couronne et la lyre. L'image de la fleur qui survit et demeure belle dans sa disgrâce est évocatrice... On peut rire de Sappho, de Yourcenar et de leurs amours, mais on ne rit pas longtemps si l'on se plonge dans leurs oeuvres.
Yourcenar n'écrit ni comme une femme, ni comme un homme. Elle écrit de telle manière que l'on se sent de plus en plus petit à mesure que se déploient son style et sa pensée... Dans les trois volumes de ses souvenirs qui forment le Labyrinthe du monde, elle se livre sans ordre à diverses réflexions et reconstitutions de ses origines qui laissent le lecteur sans voix. Elle commence ainsi le deuxième volume, Archives du Nord, par une évocation de "la nuit des temps" :
(...) tournons avec la terre qui roule comme toujours inconsciente d'elle-même, belle planète au ciel. Le soleil chauffe la mince croûte vivante, fait éclater les bourgeons et fermenter les charognes, tire du sol une buée qu'ensuite il dissipe. Puis, de grands bancs de brume estompent les couleurs, étouffent les bruits, recouvrent les plaines terrestres et les houles de la mer d'une seule et épaisse nappe grise. La pluie leur succède, résonnant sur des milliards de feuilles, bue par la terre, sucée par les racines ; le vent ploie les jeunes arbres, abat les vieux fûts, balaie tout d'une immense rumeur.

Commencer l'histoire de sa famille par celle des origines du monde (avant même l'homme) révèle sans doute une certaine conscience de sa propre valeur... Mais celle qui possède le talent de le faire en ces termes peut se le permettre, et on le lui accorde sans hésitation...

lundi 16 juin 2008

Myosotis prend Racine

C'est en passe de devenir une habitude... Quelques oublis vite réparés, une valise, un taxi, et voilà le Grand Chêne reparti pour l'aéroport... Une fois la porte fermée, la vie continue au jardin même si l'on a le coeur un peu gros...

Que le jour recommence et que le jour finisse
Sans que jamais Grand Chêne puisse voir Myosotis
Sans que de tout le jour...

Mais il n'y en a que pour un peu moins deux semaines, pas de quoi en faire une tragédie !
A condition de garder le moral et de préserver celui de tous les habitants du jardin. Et aussi de ne pas oublier la suite, les autres missions prévues cet été, le travail incessant et le vilain fruit (Blackberry) qui vibre à toute heure du jour et de la nuit. Ce n'est pas que le Grand Chêne soit sans coeur, mais il a un emploi du temps chargé...
Ces jours, si longs pour moi, lui sembleront trop courts.

vendredi 13 juin 2008

Un peu de Jean Rouaud

Ce n'est pas dans les Champs d'honneur ni dans la suite de son merveilleux "cycle de Loire-Inférieure", c'est dans l'Invention de l'auteur.
Toujours parfaitement maître des longues phrases qu'il déroule à plaisir, l'auteur (ou le narrateur, ou le "je" qui n'est pas "lui", mais on ne va pas se compliquer la vie avec des histoires de critiques pointus...) se livre à l'éloge de l'ordinateur et de ses inventeurs. Grâce à eux, il travaille nettement plus aisément qu'avec la machine à écrire de ses débuts, dont il évoque les défauts...

D'abord le bruit. Non pas ce tapotement de petite pluie tombant sur une terrasse en bois que font les touches de mon portable au-dessus d'un ressort de caoutchouc blanc en forme de minuscule tour de réfrigération d'une centrale nucléaire (je viens d'en démonter une à fin de vérification en glissant une lime à ongles sous le carré noir légèrement concave des signes ! et §, que je n'utilise jamais - c'est plus prudent -, provoquant un craquement suspect qui m'a fait craindre de l'avoir sérieusement endommagée, me projetant immédiatement mille scénarios catastrophes, pensant à Villon nous prévenant que son encre gelée dans l'encrier l'empêche de continuer son testament, et moi, à ce point de mon invention, vous avertissant que je vais devoir pour des raisons techniques indépendantes de ma volonté suspendre ce récit, mais ouf, il n'en est rien, et d'ailleurs ce seul commentaire vous dit bien que j'ai pu replacer la touche sensible et qu'elle fonctionne à nouveau), et donc non pas ce tapotement assourdi, mais, sur ces machines à écrire vétustes, un martèlement de pic-vert contre l'écorce, celui-là même qui vous gâche votre promenade en forêt.

Myosotis n'approuve pas cette condamnation du pic-vert (c'est plutôt sympathique comme oiseau, y compris celui qui est venu taper plusieurs fois sur le sommet métallique de la cheminée en produisant un bruit qui a inquiété tout le monde, le temps de comprendre d'où cela provenait...) mais pour le reste, c'est un joli échantillon de littérature... Avec ces jeux sur les pronoms (je, nous, vous), ces références variées et inattendues, ces évocations toujours justes qui créent une douce intimité de lecture...
Et maintenant, ne pas continuer, fermer le livre, ranger le livre...

jeudi 12 juin 2008

Soleil serpent

Au hasard des heures et au fil des saisons, les rayons de soleil qui se glissent chez Myosotis produisent parfois de jolis effets. Quelle surprise le matin où une tache de lumière parvient au fond du sous-sol sur les grands carreaux pâles... Quel bonheur quand un rayon d'automne vient nimber un bouquet et dessiner son ombre gracieuse sur le mur...Quel spectacle quand les rayons du couchant emplissent la fenêtre de la cuisine, débordent de l'évier et se coulent jusque sur la table où Petit Sapin ébloui demande qu'on ferme le store pour finir ses devoirs...

Mais ce matin, le soleil a joué les serpents tentateurs. Il a posé un rayon parfait, bien net et découpé avec soin, sur la collection des oeuvres de Jean Rouaud, au milieu de la bibliothèque du bureau. Après une nuit difficile ponctuée par les pleurs de Petit Lierre qui fait ses dents, Myosotis s'est arrêtée un instant devant le spectacle de ses livres favoris entre tous qui étincelaient littéralement, juste à l'heure du petit-déjeuner... Quand il faut encourager Mademoiselle Bee à choisir sa tenue et à se coiffer, rappeler (plusieurs fois) à Petit Sapin qu'il a juste le temps de finir son bol de céréales et son verre de jus de pomme, presser Petit Bouton d'or de se chausser et installer Petit Lierre dans son siège auto...

Tout pressé, tout pressant, tout à faire à la fois
Myosotis se demandait
par où faut-il que je commence ?
(C'est toujours de Victor Hugo, à la fin de l'acte IV de Hernani...)

Et le soleil serpent tentateur indiquait d'un rayon malin le canapé rouge tout disponible et les reliures blanches bien rangées... Myosotis a résisté jusqu'à maintenant, enfin, presque, elle a juste ouvert un volume au hasard et trouvé un joli passage pour le billet de demain... Il faudra veiller à ne pas se laisser emporter jusqu'au bout du livre au lieu de remplir ses devoirs d'état.

mercredi 11 juin 2008

Myosotis a planté des bulbes !

Après le dernier orage, la terre humide et l'atmosphère rafraîchie se prêtaient enfin à la réalisation du projet audacieux, conçu depuis des jours. Le défi à relever était un sachet de bulbes de dahlias offerts par une gentille américaine :


Myosotis en bottes rouges a dérangé les deux petits occupants du jardin de derrière










puis s'est mise à gratter la terre dans un endroit où la tondeuse du Grand Chêne ne devrait pas passer et où l'ombre des grands arbres tempère les ardeurs du soleil...
Il y avait dans le sachet un mode d'emploi très complet
mais les bulbes avaient commencé à germer dans leur emballage de plastique... (Au secours, c'est sûrement un problème, que faire, Maman Jardinette ?) Myosotis a donc fait de son mieux, un peu vite quand même parce pendant ce temps-là, la sieste matinale de Petit Lierre avançait...
Enfin voilà, tout est en place. Si rien ne pousse, ce qui est probable, il restera toujours la possibilité d'accuser les écureuils (ils ont la spécialité de déterrer les bulbes plantés dans un jardin pour les emporter dans un autre, c'est la voisine qui l'a dit, elle s'en console parce qu'elle a bon coeur et se réjouit de fleurir les jardins des autres)

ou encore de retourner à la littérature...

mardi 10 juin 2008

Encore si chaud...

... encore une journée de moiteur, encore des fleurs qui se protègent sous les feuillages lourds, encore des insectes sans nombre et des oiseaux pressés, encore Victor Hugo :

(...)
A tous ces buveurs de parfum
Le printemps ouvre sa guinguette.

Le bourdon, aux excès enclin,
Entre en chiffonnant sa chemise ;
Un oeillet est un verre plein,
Un lys est une table mise.
La mouche boit le vermillon
Et l'or dans les fleurs demi-closes,
Et l'ivrogne est le papillon,
Et les cabarets sont les roses.
(...)
Le temps de tourner en tout sens les images du poète, de goûter ses trouvailles et l'efficacité de ses vers simples et savoureux, on en oublie qu'il a raison et que la saison chaude ne fait que commencer, puisque c'est encore le printemps d'après le calendrier....

lundi 9 juin 2008

La vraie vie

Tous les habitants du jardin cherchent un peu de fraîcheur...
Au jardin de devant comme au jardin de derrière, le petit lapin revient tôt le matin (avec un compère) mais disparaît ensuite, les écureuils se font discrets et les oiseaux passent très vite d'un arbre à l'autre. Seuls les insectes semblent à leur aise, papillons, abeilles, fourmis et moustiques... Et la verdure envahit l'espace sur tous les tons, de l'herbe humide aux frondaisons épaisses, des mousses tenaces aux rameaux luisants des buissons. Il faut être une belle plante pour apprécier pleinement ce climat !


Au jardin de Myosotis, chacun a ses astuces pour être bien. Le Grand Chêne, retour de Colombie, affirme qu'il faisait tout aussi humide mais moins chaud là-bas !
Mademoiselle Bee projette d'aller s'installer au sous-sol, nettement plus frais que sa ruche. Petit Sapin aimerait bien qu'on le laisse aussi planté près de sa Wii... Petit Bouton d'or semble accorder peu d'importance au lieu, pourvu qu'elle puisse remonter de temps en temps sur son vélo. Petit Lierre, véritable plante aquatique, a découvert les joies de la piscine. Il était ravi de s'agiter parmi les autres baigneurs, aussi indifférent au bruit qu'aux éclaboussures, et se plaisait surtout à gratter le rebord rugueux avec ses petits ongles, tentative pour s'y accrocher et rester planté au bord l'eau ?
De son côté, Myosotis a un peu perdu la forme à force de nuits courtes, car les orages et la chaleur ligués avec Petit Lierre forment une alliance redoutable... Et par malchance, Myosotis n'est pas (mais alors vraiment pas) une plante aquatique. Son astuce bien-être, c'est un livre ouvert, un crayon et du papier, un ordinateur puisque ça existe. Tous les moyens sont bons... Et ce sont les mots de Marcel Proust qui le disent le mieux :

La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent pleinement vécue, c'est la littérature.

jeudi 5 juin 2008

Soir d'orage et bougies

Une fin d'après-midi ordinaire... Petit Lierre tout sourire dans la voiture pour aller chercher les grands à l'école, le ciel est un peu menaçant et Myosotis décide de prendre un grand parapluie, au cas où... Et voilà soudain quelques grosses gouttes, on se dit qu'il faut se hâter pour mettre les enfants (sagement rangés sur le parking de l'école) vite à l'abri dans les voitures, mais c'est trop tard



la maîtresse rassemble les petits sous son grand parapluie qui paraît dérisoire, les rafales balaient tout et la troupe en désordre court se réfugier dans le grand hall, sous l'église toute proche
les éclairs, l'eau en paquets, les craquements du tonnerre, tout ruisselle et recouvre les voitures d'un fracas immense
il faut y aller pourtant, sortir et ramener Petit Bouton d'or chaton mouillé qui grelotte sous son grand cartable
et puis quitter le parking aveuglément pour aller chercher Mademoiselle Bee et Petit Sapin
les branches tombées et les éclaboussures se dressent le long de la route, le tonnerre continue, juste au-dessus
enfin l'autre parking, attention aux débris d'arbres accumulés, un grand tronc bousculé repose sur des fils électriques, pour combien de temps en équilibre ?
les enfants tardent à sortir et l'on ne sait que faire mais les voilà, ils ont renoncé à se protéger et triomphent de leur peur en marchant vers les phares qui les guettent
trempés essoufflés heureux un peu inquiets
on rentre
le flot des écoulements grossit de toute part Myosotis connaît la route mais des flaques imprévues surviennent comme des vagues qui fouettent les portières, voilà la maison ! nous y sommes rentrez vite je m'occupe de Petit Lierre...
Pas d'électricité.

On n'a pas froid mais on est saisi par le manque de lumière, à chaque passage d'une autre nuée orageuse qui occupe l'espace autour de la maison. On allume des bougies. D'abord c'est amusant, mais le soir vient et l'on se prend à ressentir une certaine mélancolie... Tous les gestes quotidiens prennent une autre allure. Et Myosotis doit ressortir dans la tempête (en laissant Mademoiselle Bee avec Petit Bouton d'or et Petit Lierre endormi) pour accompagner Petit Sapin qui joue dans un spectacle ce soir (bonheur bien mérité et grand succès le font rosir)... Encore l'averse, les coups de vent qui malmènent les arbres, les flaques, les torrents sous les roues et les éclairs mauves... Finalement à bon port, c'était peut-être imprudent, mais on y est.

Alors c'est la nuit pour de bon. L'électricité était rétablie mais elle est de nouveau coupée. Mademoiselle Bee a allumé toutes les bougies de la maison pour rassurer Petit Bouton d'or, chacun a soufflé quelques flammes avant de gagner le refuge de son lit, l'orage a cessé... Il reste quelques tâches à achever, l'obscurité qui cerne les bougies restées allumées, l'absence du Grand Chêne et le silence.

Devant une flamme, dès qu'on rêve, ce que l'on perçoit n'est rien au regard de ce qu'on imagine.
La flamme est un monde pour l'homme seul.

Et pour Myosotis aussi.

mercredi 4 juin 2008

La sieste

Petit Lierre est couché...

Donc, à l'heure où les feux du soleil sont calmants,
Quand toute la nature écoute et se recueille,
Vers midi, quand les nids se taisent, quand la feuille
La plus tremblante oublie un instant de frémir,
(Petit Lierre) a cette habitude aimable de dormir ;
Et la mère un moment respire et se repose (...)

C'est de Victor Hugo... Il parle de sa petite-fille Jeanne (dont le prénom tient mieux dans l'alexandrin), mais enfin il parle aussi de Petit Lierre, et de tous les bébés qui dorment gentiment au début de l'après-midi... Et de toutes les mères qui respirent... Comment fait-il, Victor Hugo, pour trouver des mots si justes ?

mardi 3 juin 2008

Myosotis, le sèche-cheveux et le petit lapin


A chaque apparition, le nouveau petit occupant du jardin de derrière crée l'évènement. Dès qu'on l'aperçoit, on appelle tout le monde aussi discrètement que possible... On s'empresse, on se regroupe autour de la fenêtre, on soulève Petit Bouton d'or à la bonne hauteur... On échange à voix basse les indications qui permettront de le découvrir, sous le portique juste devant la balançoire jaune ou bien devant la souche à gauche du buisson... Mais si, là ! Regarde !... Hélas, le plus souvent, c'est trop tard, il est déjà parti... Parfois avant même que tout le monde ne soit arrivé... Il doit être très craintif, il est si petit, et nous, nous faisons toujours beaucoup trop de bruit, il faudra s'y prendre plus silencieusement la prochaine fois...
Ce matin pourtant, Myosotis a eu la bonne surprise de pouvoir le contempler depuis la fenêtre de la salle de bain. Le petit lapin ne bougeait pas, fort occupé à grignoter dans le soleil matinal. Ses délicates petites oreilles roses frémissaient, sa petite queue blanche restait posée dans l'herbe entre deux bonds tranquilles. Il allait d'un brin de trèfle à l'autre, satisfait sans doute d'être seul dans un parterre qui aurait pu nourrir une armée de lapins...
Après un moment de cette contemplation attendrissante, Myosotis décide d'ouvrir quand même la fenêtre car il faut conclure et se sécher les cheveux avant d'aller réveiller la maisonnée.
Première surprise, le mouvement et le bruit de la fenêtre actionnée sans précaution particulière ne dérangent pas le lapereau. D'habitude, il s'évanouit dans les buissons pour moins que ça...
Seconde surprise, le bruit du sèche-cheveux ne le perturbe pas davantage ! Il tourne la tête vers la fenêtre et regarde même bien en face la source du bruit qui se répand dans le jardin !
Myosotis prend le temps qu'il faut, agite le bruyant engin, se coiffe énergiquement et finalement s'énerve : ce petit lapin est donc aussi contrariant que Petit Lierre, capable de s'endormir au son de l'aspirateur alors que des heures de berceuses patientes restent parfois sans effet ? Ce petit lapin s'enfuit pour un peu d'agitation derrière une fenêtre fermée, mais reste impavide au son du sèche-cheveux devant une fenêtre grande ouverte ?
Petit lapin du matin, chagrin ?

lundi 2 juin 2008

Myosotis et vieille dentelle

Grâce à Petit Lierre et à ses réclamations matinales, Myosotis se lève tôt même le samedi et le dimanche. Cela permet de profiter des "yard sales" qui reviennent avec la belle saison... Mademoiselle Bee partage souvent avec Myosotis le plaisir de partir en voiture et de s'arrêter, au hasard des rues, pour fureter dans les objets étalés sur l'herbe, sans rien chercher de précis. Si elles ne savent pas chiner comme des professionnelles (rien à voir avec les compétences de Pimprenelle !), elles essaient au moins de ne pas trop se chamailler quand les trouvailles de Mademoiselle Bee ne séduisent qu'elle...
Samedi matin, parmi les étalages d'une "family yard sale" au YMCA, tout se déroulait normalement et Mademoiselle Bee était plongée dans un grand panier de petites peluches, quand soudain Myosotis a remarqué sur l'herbe un joli mouchoir en dentelle, abandonné derrière les brocanteurs. Ramassé et exhibé à toutes les personnes rencontrées, le joli mouchoir s'est avéré sans propriétaire et n'a donc pas quitté la main de Myosotis, qui n'a pas cru être malhonnête en le rapportant à la maison...
C'est un charmant cadeau de la Providence, si l'on y songe... En cette période de l'année, bien des amis s'éloignent et certains pour longtemps... On pourra agiter le joli mouchoir pour les adieux. De son côté, le Grand Chêne commence déjà la série de ses lointaines missions de l'été, avec la perspective d'un autre départ derrière chacun de ses retours... On pourra agiter le joli mouchoir jusqu'à l'user.
Impensable par contre de pleurer dans cette jolie dentelle qui n'est certes pas faite pour éponger !
Myosotis pourra accompagner chaque départ des mouvements gracieux de son joli mouchoir de dentelle agité depuis le seuil, avant de rentrer prendre soin des habitants du jardin, avec le sourire s'il vous plaît... Et la dentelle aussi finira par signifier Forget me not...

dimanche 1 juin 2008

Du Côté de ...

C'est un instant seulement dans le cours immense de la Recherche du temps perdu. Un portrait, un décor...

Parfois, au bord de l'eau entourée de bois, nous rencontrions une maison dite de plaisance, isolée, perdue, qui ne voyait rien, du monde, que la rivière qui baignait ses pieds. Une jeune femme dont le visage pensif et les voiles élégants n'étaient pas de ce pays et qui sans doute était venue, selon l'expression populaire « s'enterrer » là, goûter le plaisir amer de sentir que son nom, le nom surtout de celui dont elle n'avait pu garder le coeur, y était inconnu, s'encadrait dans la fenêtre qui ne lui laissait pas regarder plus loin que la barque amarrée près de la porte. Elle levait distraitement les yeux en entendant derrière les arbres de la rive la voix des passants dont avant qu'elle eût aperçu leur visage, elle pouvait être certaine que jamais ils n'avaient connu, ni ne connaîtraient l'infidèle, que rien dans leur passé ne gardait sa marque, que rien dans leur avenir n'aurait l'occasion de la recevoir. On sentait que, dans son renoncement, elle avait volontairement quitté des lieux où elle aurait pu du moins apercevoir celui qu'elle aimait, pour ceux-ci qui ne l'avaient jamais vu. Et je la regardais, revenant de quelque promenade sur un chemin où elle savait qu'il ne passerait pas, ôter de ses mains résignées de longs gants d'une grâce inutile.
Marcel Proust laisse cela sur le bord de son chemin, comme un joyau posé dans l'herbe... Un de ces passages qui font fermer les yeux et respirer profondément... La magie de la littérature pleinement déployée...