samedi 30 juillet 2016

Orages d'été

Le petit jardin est soudain très calme sous les orages d'été.


Le Grand Chêne a emmené Moyen Sapin, Petit Bouton d'Or et Petit Lierre admirer la Tour Eiffel de près et vérifier eux-mêmes la supériorité du jambon-beurre sur le cheeseburger.
Il ne restera bientôt plus que l'esprit familier du lieu, occupé à trouver de la fraîcheur pour sa sieste du milieu du jour


 et des cachettes imprenables pour ses aventures nocturnes. D'aimables personnes viendront le nourrir chaque matin et chaque soir, et peut-être le caresser, s'il se laisse faire.
Car Myosotis aussi va s'en aller contempler d'autres jardins, en compagnie de Mademoiselle Bee qui l'attend impatiemment...


Mais à Kyoto aussi, on annonce des orages, dans une chaleur encore plus moite.
C'est tant pis, de toute façon on savait bien que là-bas non plus ne serait pas l'Eden. Les jardins n'en seront pas moins jolis.



mardi 26 juillet 2016

Comme un écho de Tibhirine

Cette fois, il ne suffit plus d'en rester aux bons sentiments officiels, en déplorant que l'on attaque "les valeurs de la civilisation occidentale", "les droits et les libertés" ou Dieu sait quel autre bel objet de notre respect...
Lorsque le terrorisme frappe les quelques fidèles d'une messe de semaine à Saint-Étienne-du-Rouvray et que le vieux prêtre venu y finir ses jours est égorgé, c'est le moment de balayer les ricanements des mondains : ça existe, ce trou normand ? Et on y dit encore la messe ? Il y a encore des grenouilles de bénitier qui viennent faire grincer les chaises en marmonnant leur prière, un chapelet à la main ?
Oui. Ce petit troupeau est bien là, et il venait entourer son pasteur pour revivre le Mystère quotidien, tous les ricanements du monde n'y feront rien.
Et si le terrorisme vient frapper là, c'est qu'il y a quelque chose à atteindre. Quelque chose d'infiniment beau, précieux et respectable. Si le monde veut l'ignorer, la folie islamiste, elle, le reconnaît.
Face a cette haine brûlante, pour ne pas dégrader notre propre humanité dans le feu de la colère, il reste à relire les mots d'un autre martyr, le Père Christian de Chergé, abbé de Tibhirine, qui a signé de son sang ce testament spirituel :


Quand un À-DIEU s'envisage...

S'il m'arrivait un jour – et ça pourrait être aujourd'hui - d'être victime du terrorisme qui semble vouloir englober maintenant tous les étrangers vivant en Algérie, j'aimerais que ma communauté, mon Église, ma famille, se souviennent que ma vie était DONNÉE à Dieu et à ce pays. Qu'ils acceptent que le Maître Unique de toute vie ne saurait être étranger à ce départ brutal. Qu'ils prient pour moi : comment serais-je trouvé digne d'une telle offrande ? Qu'ils sachent associer cette mort à tant d'autres aussi violentes, laissées dans l'indifférence de l'anonymat.

Ma vie n'a pas plus de prix qu'une autre. Elle n'en a pas moins non plus. En tout cas, elle n'a pas l'innocence de l'enfance. J'ai suffisamment vécu pour me savoir complice du mal qui semble, hélas, prévaloir dans le monde et même de celui-là qui me frapperait aveuglément. J'aimerais, le moment venu, avoir ce laps de lucidité qui me permettrait de solliciter le pardon de Dieu et celui de mes frères en humanité, en même temps que de pardonner de tout cœur à qui m'aurait atteint. Je ne saurais souhaiter une telle mort. Il me paraît important de le professer. Je ne vois pas, en effet, comment je pourrais me réjouir que ce peuple que j'aime soit indistinctement accusé de mon meurtre. C'est trop cher payer ce qu'on appellera, peut-être, la « grâce du martyre » que de la devoir à un Algérien, quel qu'il soit, surtout s'il dit agir en fidélité à ce qu'il croit être l'Islam.

Je sais le mépris dont on a pu entourer les Algériens pris globalement. Je sais aussi les caricatures de l'Islam qu'encourage un certain islamisme. Il est trop facile de se donner bonne conscience en identifiant cette voie religieuse avec les intégrismes de ses extrémistes. L'Algérie et l'Islam, pour moi, c'est autre chose, c'est un corps et une âme. Je l'ai assez proclamé, je crois, au vu et au su de ce que j'en ai reçu, y retrouvant si souvent ce droit fil conducteur de l'Évangile appris aux genoux de ma mère, ma toute première Église. Précisément en Algérie, et, déjà, dans le respect des croyants musulmans. Ma mort, évidemment, paraîtra donner raison à ceux qui m'ont rapidement traité de naïf, ou d'idéaliste : « Qu'il dise maintenant ce qu'il en pense ! » Mais ceux-là doivent savoir que sera enfin libérée ma plus lancinante curiosité. Voici que je pourrai, s'il plaît à Dieu, plonger mon regard dans celui du Père pour contempler avec Lui ses enfants de l'Islam tels qu'Il les voit, tout illuminés de la gloire du Christ, fruits de Sa Passion investis par le Don de l'Esprit dont la joie secrète sera toujours d'établir la communion et de rétablir la ressemblance en jouant avec les différences.

Cette vie perdue totalement mienne et totalement leur, je rends grâce à Dieu qui semble l'avoir voulue tout entière pour cette JOIE-là, envers et malgré tout. Dans ce MERCI où tout est dit, désormais, de ma vie, je vous inclus bien sûr, amis d'hier et d'aujourd'hui, et vous, ô mes amis d'ici, aux côtés de ma mère et de mon père, de mes sœurs et de mes frères et des leurs, centuple accordé comme il était promis ! Et toi aussi, l'ami de la dernière minute, qui n'aura pas su ce que tu faisais. Oui, pour toi aussi je le veux ce MERCI, et cet "À-DIEU" envisagé de toi. Et qu'il nous soit donné de nous retrouver, larrons heureux, en paradis, s'il plaît à Dieu, notre Père à tous deux.
AMEN ! Inch'Allah ! Christian
Alger, 1er décembre 1993
Tibhirine, 1er janvier 1994

jeudi 14 juillet 2016

Quand la fête devient deuil national...

après un moment d'incrédulité et de révolte, les mots du poète (formulés pour évoquer un autre désastre) sonnent juste comme il faut...

Saccagé le jardin des fiançailles en un soir soudain de tornade
Fauchés les lilas blancs, fané le parfum des muguets
(...)
Un cri de désastre a traversé de part en part le pays frais des vins et des chansons
Comme un glaive de foudre dans son coeur, du Levant au Ponant.
Léopold Sédar Senghor