A midi, à la sortie de l'école, Myosotis a eu la surprise de trouver tous les élèves occupés à se ranger le long de la route, un petit drapeau à la main, tandis que les maîtresses agitaient des drapeaux plus grands et que la directrice, qui tenait sous un bras deux bouquets (un tricolore et un jaune), faisait la circulation sur le parking. Les arbres avaient été ornés de gros rubans jaunes, des journalistes photographiaient, filmaient et interrogeaient les élèves, les parents qui arrivaient se joignaient à l'attroupement.
Petit Lierre enchanté se tenait au soleil avec ses camarades et sa maîtresse, tout prêt à agiter son petit drapeau, et la raison précise de tout cela circulait de groupe en groupe : on attendait un Papa officier revenu d'Afghanistan après 9 mois de service... Le père d'une copine de Petit Lierre, justement...
Quand la voiture attendue est arrivée sur le parking, les applaudissements ont éclaté tandis que les petits drapeaux se sont affolés. Tous les élèves sont revenus se grouper devant l'école, le Papa fêté comme un héros est descendu et a pris son plus jeune fils dans ses bras, tandis que sa fille (plantant là maîtresse et drapeau) courait se faufiler près de lui. Aux côtés de sa femme tout sourire (enfin, après tant d'angoisses), il a reçu les deux bouquets (jaune pour les vétérans, tricolore comme le drapeau...) et passé en revue les enfants qui ont entonné
God bless America, my home sweet home...
A ce moment-là, il aurait été plus simple pour Myosotis d'être américaine aussi. Ne pas penser au caractère plus ou moins dérisoire de cette guerre et des autres... Ne pas porter de jugement sur ce patriotisme éclatant. Ne pas comparer cette joie avec l'émotion de l'anniversaire d'hier...
Ne pas refuser le réconfort des drapeaux et des rubans jaunes pour affronter cet océan de larmes.
