lundi 3 avril 2023

Révolutions

Pour la beauté du style, pour la grandeur de l'écrivain, pour le plaisir, Myosotis s'est laissée prendre à la lecture de l'Enchanteur :


Le ton sonne juste, les formules frappent, l'émotion affleure. Fort de ses connaissances et de son bon sens, Chateaubriand développe une profession de foi éblouissante, charme le lecteur du XIXe siècle et gagne son pari.

Mais qu'y a-t-il dans cette oeuvre pour le lecteur du XXIe siècle, dont les goûts et les centres d'intérêts ont bien changé ?

Il reste le bon sens. Et l'auteur semble défier le temps quand il appuie son raisonnement sur les mots d'un des initiateurs du mouvement révolutionnaire, Jean-Jacques Rousseau :

Fuyez ceux qui, sous prétexte d’expliquer la nature, sèment dans le cœur des hommes de désolantes doctrines, et dont le scepticisme apparent est cent fois plus affirmatif et plus dogmatique que le ton décidé de leurs adversaires. Sous le hautain prétexte qu’eux seuls sont éclairés, vrais, de bonne foi, ils nous soumettent impérieusement à leurs décisions tranchantes, et prétendent nous donner pour les vrais principes des choses les inintelligibles systèmes qu’ils ont bâtis dans leur imagination. Du reste, renversant, détruisant, foulant aux pieds tout ce que les hommes respectent, ils ôtent aux affligés la dernière consolation de leur misère, aux puissants et aux riches le seul frein de leurs passions ; ils arrachent au fond des cœurs le remords du crime, l’espoir de la vertu, et se vantent encore d’être les bienfaiteurs du genre humain. Jamais disent-ils, la vérité n’est nuisible aux hommes : je le crois comme eux et c’est, à mon avis, une grande preuve que ce qu’ils enseignent n’est pas la vérité.

Il n'est plus question pour nous aujourd'hui de défendre publiquement la foi chrétienne, c'est à la fois plus simple et plus compliqué : il faut redéfinir ce qui est humain. Qui a le droit de vivre ? Qu'est-ce qu'est un homme, une femme, une famille ?... Toutes ces évidences semblent remises en cause et ceux qui ont la parole n'acceptent pas d'en débattre, sûrs de leur fait. Dans cette situation difficile, les siècles qui nous séparent n'empêchent pas de ressentir une grande proximité avec le grand écrivain dont le coeur saigne encore au souvenir de la Terreur...

1 commentaire:

Adrienne a dit…

Je n'en ai encore lu que des fragments et j'ai déjà souvent pensé m'y mettre "pour de bon" ;-)