dimanche 16 décembre 2012

C'était un lundi

Au-delà des aspects rudes ou cruels de la vie, c'est un devoir d'en retenir aussi les beautés et les choses admirables.
Le 17 décembre 1903, pour la première fois dans l'histoire, un avion réussit à décoller, à parcourir une certaine distance puis à se poser, tout cela mû par un moteur et piloté par un homme.

Cet exploit réalisé par les frères Orville et Wilbur Wright était le fruit de longues années de travaux scientifiques (commencés avec leur mère qui s'y connaissait en physique et en mécanique). Les frères Wright partageaient la fièvre des inventeurs de leur temps (certains y laissèrent leur vie) : ils se documentaient sans relâche, passaient des semaines à mettre au point leurs théories puis construisaient des engins volants en exploitant les moyens techniques de leur magasin de cycles...

Pour faire des essais grandeur nature, ils choisirent la petite ville de Kill Devil, dans les Outer Banks, en Caroline du Nord, un endroit alors désert et sablonneux, ce qui adoucirait les atterrissages... Ils y revinrent 2 années de suite : le climat pénible de cette longue île parallèle au continent (ravagée en novembre dernier par la tempête Sandy...) ne les décourageait pas, pas plus que le long voyage pour y parvenir et leur installation absolument dépourvue de confort dans une cabane de bois. Ils passaient là des semaines, isolés du monde et livrés tout entiers à leur passion, ne revenant à la civilisation que pour aller chercher des pièces de rechange, et comptant sur l'équipe des sauveteurs en mer de la station voisine pour les aider à déplacer leur matériel...

Et lorsque leur prototype fut au point (après des difficultés sans nombre avec le moteur et beaucoup de moments de découragement), il leur fallut attendre des conditions météorologiques favorables : pas trop de vent, pas de pluie (en décembre au bord de l'Atlantique)...
Enfin le moment tant attendu arriva... Mais on était le 16 décembre 1903, un dimanche, et ils avaient promis à leur père (pasteur) de ne pas voler le Jour du Seigneur... Ils tinrent parole et ils attendirent le lendemain, lundi 17...
Les frères Wright tirèrent au sort pour savoir lequel des 2 s'installerait aux commandes, s'habillèrent avec une certaine solennité et firent venir les sauveteurs pour mettre l'avion en place. L'un des membres de l'équipe fut chargé de déclencher l'appareil photo. Mais quand l'avion décolla, il n'eut pas le temps de comprendre s'il avait vraiment réussi à prendre la photo...

C'était réussi.
Lorsque Wilbur rejoignit Orville, après cet exploit qui couronnait leurs efforts, réalisait leur rêve et ouvrait une ère nouvelle pour l'humanité, il lui serra la main et lui dit avec une joie profonde : Congratulations.
Puis ils firent encore 3 essais réussis, mais le prototype fut alors emporté et abîmé par le vent.
Ils s'arrêtèrent là pour cette fois et allèrent écrire un télégramme de victoire à leur père qui les attendait. Ils lui avaient aussi promis de rentrer chez eux pour Noël...

samedi 15 décembre 2012

Obscurités

Ils se sont rassemblés pour prier.
Certains ont rangé leurs décorations de Noël.
Certains recommencent à manifester contre la législation sur les armes.
Les directeurs des écoles ont diffusé des lettres pour expliquer que toutes les mesures de sécurité sont prises et conseiller aux parents de répondre aux questions éventuelles de leurs enfants. Sans les devancer.

Tout le monde a envie de serrer ses enfants dans ses bras. Encore plus que d'habitude.
Tous les Américains ont le coeur gros.

jeudi 6 décembre 2012

Exils

Bientôt 7 ans aux USA...
Après notre propre installation, combien de fois déjà avons-nous vu venir puis repartir et même revenir des familles d'expatriés ? Combien d'amis qui sont partis avec bien des regrets et un peu de nous ? Et maintenant, il vient de se créer le néologisme efficace d'impats (équivalent d'expats, mais à l'envers, ceux qui rentrent dans leur pays d'origine mais s'y retrouvent plus étrangers qu'ils ne l'étaient ailleurs)... Comme si cette aventure de l'exil n'avait jamais de fin, une fois commencée...
Et quand on y songe... Bien des sages comparent la vie elle-même à un exil...
Il y a peut-être là une clé pour vivre plus sereinement : s'il s'agit d'aller d'exil en exil, on ne va pas trop s'inquiéter pour aujourd'hui, tant que ça va cahin-caha, ni pour demain, puisqu'il n'est pas encore là... Quant à hier, on ferait aussi bien de le laisser où il est...
Concrètement, pour le petit jardin, ça va donner quelque chose comme ça : le Grand Chêne travaille toujours comme un forçat ; Mademoiselle Bee prépare le bac et son départ pour le bout du monde ; Petit Sapin fait son chemin au lycée américain ; Petit Bouton d'or se rebelle et veut changer d'école pour son entrée en 6e ; Petit Lierre va entrer à l'école primaire... Même Myosotis travaille beaucoup, en donnant des cours particuliers, entre deux conduites... C'est la vie. Respirons à fond. Un jour après l'autre. Une nuit trop courte après l'autre...
Et au hasard d'un cours de littérature, on tombe sur les mots de Saint-John Perse pour évoquer Robinson Crusoé, un modèle d'exilé-expat-impat hors-norme dont le retour au pays n'a pas pu être simple :

LES CLOCHES
Vieil homme aux mains nues,
remis entre les hommes, Crusoé !
tu pleurais, j'imagine, quand des tours de l'Abbaye, comme un flux, s'épanchait le sanglot des cloches sur la Ville...
O Dépouillé !
Tu pleurais de songer aux brisants sous la lune ; aux sifflements de rives plus lointaines ; aux musiques étranges qui naissent et s'assourdisent sous l'aile close de la nuit,
pareilles aux cercles enchaînés que sont les ondes d'une conque, à l'amplification de clameurs sous la mer...
Il n'y a pas de hasard, en littérature... Il y a des échos... Des cadeaux pour mieux vivre... Respirons à fond...