lundi 24 avril 2023

Au premier regard

 C'est toujours un instant magique, ce moment où l'on rencontre pour la première fois un nouveau-né  (ou peu s'en faut) dont la fragilité nous fait monter au coeur un flot d'émotions variées. Qu'il est petit (on oublie tout le temps combien c'est petit, un bébé) ! Qu'il est mignon (bien sûr) ! On dirait un poupon (mais c'est un vrai) !

Dans l'attendrissement, on en oublie que pour le bébé aussi, c'est une première fois. Et il a beau être tombé de la dernière pluie, sans défense et réduit à faire confiance à la protection de ses parents, lorsque ceux-ci le déposent en des mains étrangères, il peut au moins évaluer la situation. 

La preuve, cette photo de la première rencontre entre le petit neveu le plus récent et sa grand-mère maternelle :

On remarquera avec quel sérieux le petit neveu procède à l'évaluation.

De même, ce premier regard entre le bébé tout neuf d'un couple d'amis et Petit Lierre (qui soudain paraît très grand) :

Là encore, l'évaluation ne manque pas de sérieux.

(On objectera peut-être que de nombreux bébés dorment profondément quand on les confie à l'adulte émerveillé, mais ce n'est pas de leur faute si la rencontre a été mal préparée.)

En tout cas, l'acuité de ce premier regard échangé avec un inconnu n'a pas échappé à Giotto lui-même :


Dans cette "Présentation de Jésus au temple", le maître a pris soin de souligner que le petit Jésus est un bébé comme les autres, soucieux de comprendre ce qui lui arrive (et la main tendue vers sa Maman au cas où). Au-delà de son talent et de la réflexion théologique ici mise en oeuvre, Giotto démontre qu'il s'y connaissait en bébés. C'est tout à son honneur.

lundi 3 avril 2023

Révolutions

Pour la beauté du style, pour la grandeur de l'écrivain, pour le plaisir, Myosotis s'est laissée prendre à la lecture de l'Enchanteur :


Le ton sonne juste, les formules frappent, l'émotion affleure. Fort de ses connaissances et de son bon sens, Chateaubriand développe une profession de foi éblouissante, charme le lecteur du XIXe siècle et gagne son pari.

Mais qu'y a-t-il dans cette oeuvre pour le lecteur du XXIe siècle, dont les goûts et les centres d'intérêts ont bien changé ?

Il reste le bon sens. Et l'auteur semble défier le temps quand il appuie son raisonnement sur les mots d'un des initiateurs du mouvement révolutionnaire, Jean-Jacques Rousseau :

Fuyez ceux qui, sous prétexte d’expliquer la nature, sèment dans le cœur des hommes de désolantes doctrines, et dont le scepticisme apparent est cent fois plus affirmatif et plus dogmatique que le ton décidé de leurs adversaires. Sous le hautain prétexte qu’eux seuls sont éclairés, vrais, de bonne foi, ils nous soumettent impérieusement à leurs décisions tranchantes, et prétendent nous donner pour les vrais principes des choses les inintelligibles systèmes qu’ils ont bâtis dans leur imagination. Du reste, renversant, détruisant, foulant aux pieds tout ce que les hommes respectent, ils ôtent aux affligés la dernière consolation de leur misère, aux puissants et aux riches le seul frein de leurs passions ; ils arrachent au fond des cœurs le remords du crime, l’espoir de la vertu, et se vantent encore d’être les bienfaiteurs du genre humain. Jamais disent-ils, la vérité n’est nuisible aux hommes : je le crois comme eux et c’est, à mon avis, une grande preuve que ce qu’ils enseignent n’est pas la vérité.

Il n'est plus question pour nous aujourd'hui de défendre publiquement la foi chrétienne, c'est à la fois plus simple et plus compliqué : il faut redéfinir ce qui est humain. Qui a le droit de vivre ? Qu'est-ce qu'est un homme, une femme, une famille ?... Toutes ces évidences semblent remises en cause et ceux qui ont la parole n'acceptent pas d'en débattre, sûrs de leur fait. Dans cette situation difficile, les siècles qui nous séparent n'empêchent pas de ressentir une grande proximité avec le grand écrivain dont le coeur saigne encore au souvenir de la Terreur...

lundi 6 février 2023

Un peu comme elle

 La vendeuse fatiguée de Norman Rockwell ne peut pas se plaindre... C'est pour Noël, elle a bien travaillé, elle a participé à la joie des préparatifs de la fête et servi ses clients tout en gagnant sa vie. Un succès.

Mais elle est fatiguée. Une douce impression d'avoir tout donné cohabite avec la douleur cuisante d'avoir passé toutes ces heures debout dans des chaussures à talons... Tant de dames hésitantes et de messieurs pressés, tant de questions et de demandes contradictoires à satisfaire... Et il reste le rangement, les comptes, et l'inventaire ensuite...

Au début de cette année 2023, Myosotis s'est sentie un peu comme elle.

Les célébrations de Noël nettement contrariées par un méchant épisode Covid, c'était une chose. Ensuite, le nouveau départ de Petit Bouton d'or pour son Texas lointain et celui de Moyen Sapin pour le Wisconsin ont marqué des étapes émouvantes. D'autant plus qu'il a fallu confectionner pour chacun peu après un colis des affaires oubliées.

Mais surtout, au fil des semaines, Mademoiselle Bee a préparé son déménagement. Cette fois elle a quitté la maison pour de bon, avec chat et bagages. Elle a trié, choisi, emballé avec soin ce qu'elle voulait dans son chez elle. Le reste a été évacué petit à petit par Myosotis toujours prête à recycler d'une manière ou d'une autre. De nombreux cartons Amazon pleins d'objets neufs (généralement de couleur rose) sont entrés dans la maison, sont passés par la chambre de la demoiselle et ressortis pleins d'autres choses en plus. On a fait des pyramides de cartons dans différentes pièces de la maison. On a regroupé le tout dans la salle à manger avec l'aide de Petit Lierre très dévoué. On a loué un camion que le Grand Chêne a rempli et conduit jusqu'à Baltimore. On a déchargé le camion et tout porté dans le studio de la demoiselle. On a égaré les vis pour remonter un meuble, trouvé d'autres vis et monté d'autres meubles. Puis on est rentré.

Et là, Myosotis s'est trouvée soudain... fatiguée. Mais elle a bien travaillé, elle a participé à la joie des préparatifs de Mademoiselle Bee heureuse de voler de ses propres ailes... Elle a aussi la douce impression d'avoir tout donné, pendant longtemps.

Ce n'est pas si mal.