jeudi 30 mai 2019

Myosotis en pays Amish

Le petit Jardin est si occupé cette année que Myosotis s'y sent moins fleur que fourmi. Avec de nouveau quatre enfants à la maison (deux grands en College et deux plus jeunes dans leur école respective), on va de besogne en besogne, en croisant le chemin de chacun, en portant parfois des fardeaux bien lourds et en gardant le nez au sol pour ne pas trébucher.
Le Grand Chêne a donc choisi le cadeau idéal pour les 49 ans de la fourmi Myosotis : deux jours de pause en Pennsylvanie !
Là-bas, on trouve des Bed and breakfast sans électricité, où de braves Amish vivent simplement (sic) et sont tout disposés à accueillir les gens et leurs questions. Master Ben and Madame Emma, retraités après une vie de labeur à la maison avec six enfants pour elle, dans une boucherie pour lui, ont déjà reçus des hôtes venus du monde entier et s'en montrent fiers.
Madame Emma fait le petit déjeuner du matin, le jardin, le ménage et la cuisine, la lessive (sans machine), leurs vêtements (avec une machine à pédale), un peu de quilting... Master Ben s'occupe de jeunes vaches qu'il élève pour l'abattoir, de moutons, du jardin et du cheval qu'il attelle pour les touristes, et le dimanche pour aller au culte organisé tour à tour dans les familles de leur secteur.
C'est lui qui a construit leur maison, avec des cloisons intérieures amovibles pour en faire un vaste espace d'accueil dominical ; il y avait 250 personnes pour le mariage de chacune de leurs filles.


Il a deux loisirs essentiels : il élève des cailles dans des cages situées aux quatre coins du jardin pour qu'elles sifflent en se répondant (ça surprend, mais c'est joli). Il a même demandé au Grand Chêne de le déposer en voiture chez une vieille amie devenue sourde, qui voulait une cage juste devant sa porte pour bien l'entendre.

Mais il aime par-dessus tout voyager aux quatre coins des États-Unis en train.
Avec Madame Emma, quand la saison est finie, ils prennent leur valise et vont à pied jusqu'à l'arrêt de bus le plus proche (pas si proche, en fait) qui les conduit à Lancaster et ils partent. Ils sont allés plusieurs fois en Californie, en Floride, au Texas... Il connaît les itinéraires et les horaires, il aime tant les trains qu'il a installé un sifflet de locomotive qu'il peut actionner au sommet de sa grange !

D'autres familles Amish accueillent des hôtes payants pour un dîner local avec chants inclus. Le Grand Chêne avait réservé chez un éleveur laitier dont la femme et cinq des enfants ont chanté quelques chants à plusieurs voix avant et après le dîner cuisiné par leurs soins. Les trois autres enfants et leur père étaient occupés à la traite des 75 vaches et ailleurs, sur la ferme aux 6 chiens et 38 chats, qui produit aussi les céréales pour le bétail.
Un petit bonsoir en passant :

Tout cela donne envie d'y retourner. Surtout quand, derrière le beau soleil sur le linge étendu au-dessus des jardins verdoyants, se devine la rude réalité de cette vie simple enracinée dans la foi et la tradition : Master Ben n'est plus tout jeune. Il n'a pas hérité de la ferme paternelle et il a dû travailler ici et là avant de devenir boucher. Son fils aîné a quitté la Pennsylvanie pour aller élever ses neuf enfants loin de l'agitation moderne (!). Son plus jeune fils a eu un cancer qu'il a caché à tous ses proches en se soignant seul pendant trois ans ; il vit désormais avec ses parents sans parler de se marier. Toute la région est touchée par la baisse des prix du lait qui diminue les revenus déjà modestes. Quant à lui, une grave chute lui a laissé la moitié du visage paralysée et il explique que cela le gêne pour sourire et parler à ses hôtes, même si cela ne l'en empêche pas. Et il conclut (avec un sourire) qu'après tout : "it could have been worse..."