dimanche 25 octobre 2020

Des feuilles mortes

 

          Le mois d’octobre ne cherche plus à cacher ses feuilles mortes. Elles étaient discrètes jusqu’à présent, même si en regardant bien on pouvait les remarquer dès les chaleurs du mois de juin… L’été affirmait alors son pouvoir, un été étrange, sans plage ni piscine, qui ne laissait personne déguster de rafraîchissements aux terrasses. Les fleurs attendues s’offraient pourtant au soleil sans surprise et les abeilles butinaient, mais les feuilles qui se laissaient mourir allaient trop bien dans l’air du temps...

          De cet été bizarre, on est passé à la rentrée, avec incrédulité, et voici conséquemment l’automne. Il faudra bien les ramasser, ces feuilles mortes. Elles s’accumulent çà et là, parmi les citrouilles et décorations d’Halloween posées quand même dans les jardins (les petits Américains n’auront pas vraiment le droit de faire trick or treat le 31 octobre, c’est un vrai deuil). Et pendant ce temps, on doit lutter sur tous les fronts pour garder contact avec le réel.

          Le travail du Grand Chêne, les cours de Myosotis, les cours de Mademoiselle Bee à Philadelphie et ceux de Moyen Sapin devenu grand, les cours de Petit Bouton d’Or au Texas, que de virtuel sur écran ! Seul Petit Lierre a la joie de passer quatre jours sur cinq à l’école, avec ses copains et ses professeurs, (occupés en même temps à suivre de loin les élèves dont les familles ont préféré qu’ils restent chez eux)... Documents de travail, fiches de cours, vidéos diverses, musique bien sûr, et livres et photos, avec tant de jeux et de films, échanges de toute sorte avec ou sans bienveillance, vraies nouvelles et fausses alarmes, rumeurs et sondages… Le Net enfle démesurément, comme un Himalaya de feuilles mortes où tout s’empile et se conserve, au fil du temps, sans distinction et sans remède.

          Qui s’en soucie ? Au milieu de tout le reste, les programmes, plans et instructions devenus caducs restent là. Prévisions et actualités se succèdent, tous les jours, et nul ne songe à les supprimer ni à les corriger, puisque les suivantes arrivent.

          Qu’adviendra-t-il de cet amas de productions vite lues et vite oubliées ? Que peut-il en sortir, puisque des nouveautés incessantes arrivent au premier plan ? De plus en plus profond, cet humus porte-t-il en lui quelque fécondité ?

          On est bien loin de l’archivage raisonné et paisible des bibliothèques. Volumes alignés et accessibles, classement offert aux recherches des spécialistes comme aux travaux des étudiants… Quand un mot clé sur le clavier appelle des centaines de références exhumées sans rime ni raison, au motif que le dit mot-clé s’y trouve mentionné, par erreur ou par hasard, on va très vite, on va partout, c’est entendu. Mais évoquer d’un seul clic tout et son contraire, à la pelle, n’est-ce pas un peu beaucoup ?