mardi 1 octobre 2019

La petite Belle et la petite Bête


Voilà deux ans que Myosotis suit (de trop loin, sur les photos...) les progrès de la Demoiselle dans le vaste monde. Cette petite nièce-là semble née pour observer, réfléchir, et souvent désapprouver. Les yeux grand ouverts sur les choses et les gens qui l’entourent, elle fronce souvent le sourcil, fière de participer aux expériences de coiffure de son Papa, mais perplexe quand on se livre à d’autres activités que la danse ou la sieste… Les adultes ne peuvent-ils donc se contenter du beau et de l’utile ?
En tout cas, forte de l’expérience acquise, elle ne dissimule pas un sérieux attrait pour les bêtes, chats et autres. Et elle a appris à poser un regard bienveillant sur toute créature, même les mal aimées. 



Comme Victor Hugo dans ses Contemplations, voilà la petite Demoiselle, avec ses joues de soie et ses yeux de velours, toute prête à revendiquer pour l’araignée une place dans notre cœur :

J’aime l’araignée et j’aime l’ortie,
Parce qu’on les hait (…)
Il n’est rien qui n’ait sa mélancolie ;
Tout veut un baiser.
Dans leur fauve horreur, pour peu qu’on oublie
De les écraser,
Pour peu qu’on leur jette un œil moins superbe,
Tout bas, loin du jour,
La vilaine bête et la mauvaise herbe
Murmurent : Amour !

jeudi 30 mai 2019

Myosotis en pays Amish

Le petit Jardin est si occupé cette année que Myosotis s'y sent moins fleur que fourmi. Avec de nouveau quatre enfants à la maison (deux grands en College et deux plus jeunes dans leur école respective), on va de besogne en besogne, en croisant le chemin de chacun, en portant parfois des fardeaux bien lourds et en gardant le nez au sol pour ne pas trébucher.
Le Grand Chêne a donc choisi le cadeau idéal pour les 49 ans de la fourmi Myosotis : deux jours de pause en Pennsylvanie !
Là-bas, on trouve des Bed and breakfast sans électricité, où de braves Amish vivent simplement (sic) et sont tout disposés à accueillir les gens et leurs questions. Master Ben and Madame Emma, retraités après une vie de labeur à la maison avec six enfants pour elle, dans une boucherie pour lui, ont déjà reçus des hôtes venus du monde entier et s'en montrent fiers.
Madame Emma fait le petit déjeuner du matin, le jardin, le ménage et la cuisine, la lessive (sans machine), leurs vêtements (avec une machine à pédale), un peu de quilting... Master Ben s'occupe de jeunes vaches qu'il élève pour l'abattoir, de moutons, du jardin et du cheval qu'il attelle pour les touristes, et le dimanche pour aller au culte organisé tour à tour dans les familles de leur secteur.
C'est lui qui a construit leur maison, avec des cloisons intérieures amovibles pour en faire un vaste espace d'accueil dominical ; il y avait 250 personnes pour le mariage de chacune de leurs filles.


Il a deux loisirs essentiels : il élève des cailles dans des cages situées aux quatre coins du jardin pour qu'elles sifflent en se répondant (ça surprend, mais c'est joli). Il a même demandé au Grand Chêne de le déposer en voiture chez une vieille amie devenue sourde, qui voulait une cage juste devant sa porte pour bien l'entendre.

Mais il aime par-dessus tout voyager aux quatre coins des États-Unis en train.
Avec Madame Emma, quand la saison est finie, ils prennent leur valise et vont à pied jusqu'à l'arrêt de bus le plus proche (pas si proche, en fait) qui les conduit à Lancaster et ils partent. Ils sont allés plusieurs fois en Californie, en Floride, au Texas... Il connaît les itinéraires et les horaires, il aime tant les trains qu'il a installé un sifflet de locomotive qu'il peut actionner au sommet de sa grange !

D'autres familles Amish accueillent des hôtes payants pour un dîner local avec chants inclus. Le Grand Chêne avait réservé chez un éleveur laitier dont la femme et cinq des enfants ont chanté quelques chants à plusieurs voix avant et après le dîner cuisiné par leurs soins. Les trois autres enfants et leur père étaient occupés à la traite des 75 vaches et ailleurs, sur la ferme aux 6 chiens et 38 chats, qui produit aussi les céréales pour le bétail.
Un petit bonsoir en passant :

Tout cela donne envie d'y retourner. Surtout quand, derrière le beau soleil sur le linge étendu au-dessus des jardins verdoyants, se devine la rude réalité de cette vie simple enracinée dans la foi et la tradition : Master Ben n'est plus tout jeune. Il n'a pas hérité de la ferme paternelle et il a dû travailler ici et là avant de devenir boucher. Son fils aîné a quitté la Pennsylvanie pour aller élever ses neuf enfants loin de l'agitation moderne (!). Son plus jeune fils a eu un cancer qu'il a caché à tous ses proches en se soignant seul pendant trois ans ; il vit désormais avec ses parents sans parler de se marier. Toute la région est touchée par la baisse des prix du lait qui diminue les revenus déjà modestes. Quant à lui, une grave chute lui a laissé la moitié du visage paralysée et il explique que cela le gêne pour sourire et parler à ses hôtes, même si cela ne l'en empêche pas. Et il conclut (avec un sourire) qu'après tout : "it could have been worse..."

vendredi 15 mars 2019

De tout pour faire un monde


Petit Bouton d’Or aime écrire. Elle a soumis un texte à une sorte de concours, organisé par Writopia,une association qui encourage les lycéens américains à écrire. Trois mille textes ont été soumis dans notre région, 250 adolescents primés (pas tous présents), et nous voilà cet après-midi dans une belle synagogue louée pour l’occasion : 6th and I Street Historic Synagogue in DC.
Les jeunes sont accompagnés d’un parent ou de leur famille entière. La cérémonie commence par quelques déclamations et lectures, suivies d’une démonstration de danse contemporaine. Quatre jeunes danseurs talentueux présentent leur chorégraphie sur fond de musiques difficiles à apprécier quand on n’est pas initié, mais qu’importe, ils ont beaucoup de classe. Et leur public, acquis à la chose écrite, ne boude pourtant pas le plaisir de les contempler dans l’exercice de leur art.
Tout cela se déroule sous le plafond joliment orné, devant les chandeliers à sept branches et les phrases inscrites de part et d’autre des dix commandements (?) placés sous un beau vitrail coloré : « Remember Ye the Law of Moses », « Faith in God is Happiness ». Ces respectables murs historiques sont habitués à d’autres échos…
Vient le moment de présenter les jeunes auteurs primés. En deux groupes, avec en guise d’intermède une brève allocution pour les encourager à écrire toujours plus, ils s’avancent un à un, donnent leur nom, leur classe et le prix qui leur a été décerné, puis doivent répondre brièvement à la question : « Why do you write ? ».
C’est un exercice visiblement amusant pour certains, nettement moins naturel pour d’autres, mais tous professent leur foi en la littérature. 
Espace de construction et d’expression personnelle, espace de liberté où ils peuvent donner vie à des choses (idées, histoires, réflexions) qui sans cela demeureraient néant, où ils peuvent se faire porte-parole des sans-voix… Tout est dit, et redit, et le public enchanté de voir tous ces jeunes talents ainsi mis à l'honneur applaudit sans se lasser. 



Quand elle s’avance, Petit Bouton d’Or dit simplement : « I write because I dream ».


La conclusion s’impose alors : il faut vite rentrer à la maison. Elle a besoin de temps pour écrire.