jeudi 24 décembre 2020

Une jolie surprise de Noël

 Je sais combien il était talentueux... Mais je ne savais pas que Jean-Paul Sartre avait eu le talent d'évoquer ainsi le mystère de Noël :

 (Extrait de Bariona ou le Fils du tonnerre, pièce de théâtre écrite pour Noël 1940, alors que Sartre était prisonnier dans un camp allemand.)

    "La Vierge est pâle et elle regarde l’enfant. Ce qu’il faudrait peindre sur son visage, c’est un émerveillement anxieux, qui n’apparut qu’une seule fois sur une figure humaine, car le Christ est son enfant, la chair de sa chair et le fruit de ses entrailles. Elle l’a porté neuf mois. Elle lui donne le sein et son lait deviendra le sang de Dieu. Elle le serre dans ses bras et elle dit : 'mon petit' !

            Mais à d’autres moments, elle demeure tout interdite et elle pense : 'Dieu est là', et elle se sent prise d’une crainte religieuse pour ce Dieu muet, pour cet enfant, parce que toutes les mères sont ainsi arrêtées par moment, par ce fragment de leur chair qu’est leur enfant, et elles se sentent en exil devant cette vie neuve qu’on a faite avec leur vie et qu’habitent les pensées étrangères.

            Et aucune femme n’a eu de la sorte son Dieu pour elle seule. Un Dieu tout petit qu’on peut prendre dans ses bras et couvrir de baisers, un Dieu tout chaud qui sourit et qui respire, un Dieu qu’on peut toucher et qui vit, et c’est dans ces moments-là que je peindrais Marie si j’étais peintre, et j’essayerais de rendre l’air de hardiesse tendre et de timidité avec lequel elle avance le doigt pour toucher la douce petite peau de cet enfant Dieu dont elle sent sur les genoux le poids tiède, et qui lui sourit. Et voilà pour Jésus et pour la Vierge Marie.

            Et Joseph. Joseph ? Je ne le peindrais pas. Je ne montrerais qu’une ombre au fond de la grange et aux yeux brillants, car je ne sais que dire de Joseph. Et Joseph ne sait que dire de lui-même. Il adore et il est heureux d’adorer." 

 

Dans cette joie, et dans la grâce de l'année Saint Joseph, mille bonnes pensées à tous et à chacun !