mercredi 2 mars 2011

Les beaux quartiers

A force de conduire chacun ici et là dans les écoles des beaux quartiers, au nord-ouest de Washington DC, Myosotis commence à bien connaître certaines rues, maisons et jardins.
Ici, le jardin est paysagé à chaque printemps et des plantes exotiques aux feuilles immenses ornent tout le tour de la maison et l'angle de la rue : l'été les voit fleurir comme des feux d'artifices puis le gel de l'hiver les ratatine misérablement. Sic transit...
Là, un passionné d'automobile laisse sous bâche une voiture de collection qui ne roulera peut-être plus mais qui occupe une large partie de la rue devant chez lui.
Ailleurs, un propriétaire qui n'aime probablement pas les tondeuses a voulu se donner la sérénité d'un jardin zen : autour de sa maison carrée peinte en noir (avec fenêtres carrées blanches), le sol est couvert de fin gravier blanc et une vieille souche blanchie occupe le centre d'un carré délimité par une manière de portique en bois sombre. Hélas, un tel jardin exigerait des soins et un râtissage quotidiens, pour en ôter les feuilles mortes et les herbes folles qui s'obstinent à pousser entre les petits cailloux blancs...
Plus loin, une dame qui ne voulait pas non plus d'un simple gazon a fait de son jardin un vaste espace fleuri, dans lequel les décorations de toute sorte (girouettes, mobiles, clochettes, nains et petits faons, cadrans solaires, moulins à vents...) voisinent avec des plantations variées. Vaillante et souvent à l'ouvrage sous son chapeau de paille, elle ne se laisse pas gagner de vitesse par les mauvaises herbes et tout fleurit joliment en son temps dans son capharnaüm merveilleux...
Dans ce quadrillage que Myosotis parcourt au fil des jours, un chantier est un évènement, parfois très rapide, souvent occasion de méditation.
Il y avait ainsi, à l'angle d'une rue, une vieille maison très modeste, dont la propriétaire devait être la dernière personne du comté à faire sécher son linge dehors, sur des fils tendus dans son jardin. Le jour où les bulldozers sont venus abattre la maison, il a bien fallu en conclure que la vieille dame avait cessé de s'occuper de son linge elle-même... Un petit pincement au coeur, auquel s'est ajoutée la surprise de voir pousser en moins de temps qu'il ne faut pour y penser une énorme maison d'un vilain bleu pétrole, si large qu'elle ne laisse rien du jardin. Ces gens ont sans doute un sèche-linge.
De même, à quelques rues de là, une autre petite maison croupissait parmi les herbes folles, sous une jungle de buissons d'où deux poubelles et la carcasse d'une voiture dépassaient à peine. Les bulldozers ont tout arrangé en quelques heures et une autre énorme maison a été bâtie là, coincée entre ses voisines de même taille, comme si le gigantisme rassurait les héritiers du domaine abandonné en interdisant à tout jamais la repousse du moindre buisson (le gazon lui-même n'y pousse pas sans artifice).
On voudrait pouvoir photographier tout ça, mais au volant c'est difficile. Des images d'archives feront peut-être l'affaire. Voilà ce qui se passe quand une vieille maison est remplacée par une neuve : avant, on a quelque chose comme ça

Et après, quelque chose de ce genre :

Ou encore quelque chose comme ça :

C'est plus confortable, sans doute, et parfois même admirable... Mais aussi moins poétique.

2 commentaires:

Adrienne a dit…

très joli billet, et qui interpelle...

Lorraine a dit…

Eh oui, les anciennes maisons gardaient un peu de romance dans leurs murs, une forme de poésie, du lierre grimpait, des herbes poussaient parfois entre les pavés C'est pourquoi on les aimait. Le modernisme veut du grand, et souvent, de l'étalage! Ton billet est très parlant, chère Myosotis; c'est la même chose à Bruxelles, tu sais!...