mercredi 4 février 2009

Tous les matins du monde...

C'était un de ces jours de neige où les écoles ne sont pas fermées mais ouvrent deux heures plus tard, pour laisser à tout le monde le temps de déneiger les routes, dégivrer les pare-brise et déglacer les trottoirs.
Le Président Obama a soulevé son premier mouvement de mécontentement populaire en déclarant que les habitants de Washington DC ont besoin de s'endurcir, parce que quand il habitait à Chicago jamais l'école de ses enfants n'a été fermée à cause d'un peu de glace, et là- bas il y en a bien davantage... Mais la région est ainsi organisée, et malgré la contrariété présidentielle les pratiques en place le sont encore pour un moment. (Un responsable mécontent a suggéré qu'Obama démissionne pour s'occuper lui-même de la question...)
En tout cas, les deux heures de décalage ne plaisaient pas non plus à Petit Sapin, qui n'arrivait pas à apprécier le plaisir de se lever plus tard, de rester un peu plus à la maison et de prendre un petit déjeuner tranquille, tandis que le Grand Chêne s'en allait bravement prendre le bus. La raison de sa contrariété ? Il voulait tout ou rien, soit une vraie journée d'école, soit une vraie journée de congé.
Et ce petit matin d'hiver a pris des allures de tragédie, parce que ces mots faisaient écho à ceux d'Antigone, dans la pièce d'Anouilh

Vous me dégoûtez tous avec votre bonheur ! (...) Moi, je veux tout, tout de suite, - et que ce soit entier - ou alors je refuse ! Je ne veux pas être modeste, moi, et me contenter d'un petit morceau si j'ai été bien sage.

Myosotis, devant la fenêtre qui s'emplissait de soleil, a retrouvé cette sensation bizarre d'avoir vieilli, éprouvée il y a quelques années déjà en relisant le beau dialogue entre le vieux Créon et sa nièce Antigone. Myosotis se souvient du temps où elle partageait les exigences de la jeune fille (et de Petit Sapin). Peu à peu, sans y penser, elle est passée pourtant du côté de Créon
La vie n'est pas ce que tu crois. C'est une eau que les jeunes gens laissent couler sans le savoir, entre leurs doigts ouverts. Ferme tes mains, ferme tes mains, vite. Retiens-la. Tu verras, cela deviendra une petite chose dure et simple qu'on grignote, assis au soleil. (...) Tu l'apprendras toi aussi, trop tard, la vie c'est un livre qu'on aime, c'est un enfant qui joue à vos pieds, un outil qu'on tient bien dans sa main, un banc pour se reposer le soir devant sa maison. Tu vas me mépriser encore, mais de découvrir cela, tu verras, c'est la consolation dérisoire de vieillir, la vie, ce n'est peut-être tout de même que le bonheur.

Petit Sapin est ensuite parti bien content à l'école, est revenu bien content l'après-midi et a passé une soirée tranquille en famille, encore plus content bien sûr quand le Grand Chêne est rentré du travail. Une bonne journée de plus, finalement. Un petit morceau du temps qui passe.

Tous les matins du monde sont sans retour.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

qu'il est dur de grandir et de vieillir et pourtant c'est le désir de tous de durer , il y en a tant qui ne le peuvent plus!!!
bon courage à tous et gros bisous

Corinne Denoyelle a dit…

C'est amusant, j'ai relu ce texte aujourd'hui pour le donner en explication de texte orale à mes étudiants (je n'ose pas dire colle car je les traumatise déjà avec mes cours à l'européenne, mais c'est un hommage à ce cher M. Campion) et je me suis fait la même réaction. Quelle horreur que le comportement d'Antigone, quel terrorisme ! Je n'arrive plus à croire que c'est elle qu'Anouilh veut que l'on admire ou que l'on prenne en modèle. Aucun être humain ne peut vivre ainsi, ou alors, il pose des bombes partout. Finalement, cette pièce pose beaucoup de problèmes d'interprétation idéologique (ou alors est-ce le siècle qui a à ce point changé que cette vision des choses ne passe plus ?) Il en pensait quoi vraiment Anouilh, à ton avis ?
Les enfants sont-ils en vraies vacances chez vous ? ici, elles cumulent les vacances françaises et les vacances canadiennes et sont complètement déphasées avec mon propre rythme.
Bises
Corinne

Anonyme a dit…

c'est toujours l'éternelle question: savoir de quel côté on peut se situer vis à vis de la vie et de nos enfants...égoïstement je dirais qu'il faut savoir de temps en temps se lâcher et rester jeune dans sa tête mais cela complique parfois la tâche des éducateurs que nous sommes (ou qu'on essaye d'être...)Il faut bien se résoudre à accepter la vie dans son ensemble même si elle nous paraît dure et inflexible.
Pour le reste, tout va bien et tout suit son cours normal.
Enormes bisous

Anonyme a dit…

Tout à fait d'accord pour rester jeune dans ma tête !
Je m'amuse de lire que le Nord, chez toi, est mieux organisé que le Sud pour le mauvais temps ... Un peu comme en France ... La neige chez les catalans = la désorganisation totale !